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Tomates: l'incroyable collection d'un retraité picard

En trente ans, Pascal Antigny, a rassemblé pas moins de 3 847 variétés de tomates de toutes les tailles, de toutes les formes, de toutes les couleurs et de toutes les origines. Exceptionnel!

Le week-end dernier, à Bruxelles, lors du Tomato Fest, les Mousquetaires de la tomate ont exposé les fruits de plus d'un millier de variétés différentes issues de leurs collections respectives. Ils seront à la fêtes de plantes de Saint-Jean-de-Beauregard (Essonne), du 21 au 23 septembre prochains.

Il y a des choses que l'on croit bien connaître. Les tomates, par exemple. Un fruit rond, généralement, rouge, le plus souvent, à la chair délicate, à qui nos voisins transalpins vouent un véritable culte. Quand on a la chance d'avoir un potager, on sait que le choix est plus vaste - et savoureux - que ce que donnent à voir, et à goûter, les étals des supermarchés. On se régale tout l'été et, certaines années, jusqu'à Noël, de ‘Cœur de bœuf', de ‘Saint-Pierre', de ‘Noire de Crimée', de ‘Green Zebra' ou d'opulentes ‘Ananas' issues des quelques plants que l'on bichonne amoureusement. On découvre, du même coup, que les tomates peuvent aussi être oranges, jaunes ou vertes même lorsqu'elles sont mûres, allongées ou aplaties, tarabiscotées, géantes ou minuscules. Pourtant, on n'est pas au bout de ses surprises… Car la diversité de cette solanacée, originaire des Andes et du Mexique, comme sa cousine la pomme de terre, dépasse tout simplement l'imagination.

Pascal Antigny dans l'une de ses trois serres de production avec ‘Pascal de Picardie', une nouvelle variété qu'il a «élevée» dans son jardin de Quierzy (Aisne) et qui porte son nom.

Dans son jardin situé près de Noyon, à deux pas de la verdoyante vallée de l'Oise, Pascal Antigny, officier de police à la retraite, en a rassemblé une impressionnante collection de… 3 847 variétés qu'il connaît quasiment toutes par leur nom. Et encore, il est loin du compte! Bruno Fournier, collectionneur comme lui, mais dans le Var, a établi qu'il n'existait pas moins de 36 000 variétés de tomates issues de croisements réalisés de par le monde par des générations d'hybrideurs professionnels ou simplement amateurs éclairés comme eux. Bon nombre sont malheureusement introuvables aujourd'hui, mais chaque année il s'en crée de nouvelles.

«Comme je n'ai pas assez de surface pour les cultiver toutes en même temps, je fais un roulement», explique Pascal en présentant fièrement les 633 heureuses élues qui ont trouvé place cette année dans ses trois grandes serres. À raison d'un à cinq spécimens par variété, c'est une forêt foisonnante et bigarrée de milliers de plants de tomates, impeccablement alignés, tuteurés et étiquetés, qui s'offre au regard.

Là c'est ‘Blush', une petite américaine délicieusement sucrée à la robe jaune orangé ; plus loin, sur la même ligne, Jazz, une autre américaine rose et joufflue, apparaît lestée de fruits gigantesques: en juillet, l'un d'eux accusait 1,201 kg sur la balance! Mais l'italienne Riccio di Parma a fait mieux encore avec un «monstre» de plus de trois livres. Rien à voir avec les fruits lilliputiens de ‘Hundreds and Thousands' qui pèsent 3 grammes à tout casser… «Ces tomates sont très savoureuses, souligne Pascal. Mais il y a aussi des carnes qui sont parfois immangeables.» C'est le cas de ‘Drapée', avec ses longs fruits jaunes et creux comme des poivrons tout juste bons à farcir, ou de ‘Piprakujuline Tribuline', une cornue au nom imprononçable qu'il conserve pour sa beauté et parce que «cela fait partie du jeu».

À gauche les minuscules fruits de ‘Hundreds and Thousands' ne pèsent pas lourd face aux gros calibres comme ‘Jazz'

Côté végétation, il y a les géantes dont les feuilles parviennent, en fin de saison, à toucher le plafond de la serre à plus de 3 mètres de hauteur, les naines comme ‘Oranzhevaja Shapochka' qui rasent le sol (moins de 15 cm) et celles qui s'arrêtent de pousser telle ‘Purple Smaragd', une délicieuse autrichienne en forme de prune allongée, dès que leur tige affiche 1 m sous la toise. Du coup, ces tailles demi-patron poussent aussi en pot sur les balcons ensoleillés: une aubaine pour les amateurs de tomates en manque de jardin! Et puis il y a toutes ces curiosités: ‘Feuerwerk', lardée de fines traces de liège sur l'épiderme, ‘Bandol Blues', à la robe noire comme de l'encre, ou la duveteuse ‘Elma Blue'. De quoi nourrir une passion immodérée pour l'étonnant et généreux pomodoro!

Cachées dans un soutien-gorge

Initié au jardinage dès son plus jeune âge par ses grands-parents maternels, Pascal démarre sa collection en 1985. Une amie russe lui rapporte de son pays, cachées dans son soutien-gorge (on est encore au temps de l'URSS…), quelques graines d'une variété inconnue dont elle lui a vanté les mérites. «Le premier fruit que j'ai récolté l'année suivante pesait 1,282 kg», se souvient-il, encore ébahi. Du coup, il en veut d'autres… Et profite de ses nombreuses missions à l'étranger pour écumer les graineteries locales - quand d'autres font leurs emplettes au duty free - et rencontrer des collectionneurs et des créateurs amateurs avec qui il procède à des échanges. «Aujourd'hui, avec Internet, c'est beaucoup plus facile et rapide, parfois un peu trop, même», glisse-t-il en faisant allusion à cette personne qui lui a récemment adressé une commande de 122 variétés…

Pour répondre à la demande - et couvrir ses frais -, il a ouvert l'an passé, avec Bruno Fournier et quatre autres collectionneurs (Aïcha Bouakline, Bruno Huyghes, Philippe Rommens et Benjamin Oget) rassemblés sous la bannière des «Mousquetaires de la tomate», le site www.cultivetarue.fr, qui propose des semences de 400 variétés (1 000 d'ici à la fin de l'année) produites dans leurs jardins respectifs, à un prix compris entre 2 € et 2,50 € le sachet de 12 à 15 graines. «Il s'agit bien sûr de variétés libres de droit mais qui ne sont pas forcément anciennes, précise-t-il, car toute variété ancienne a été nouvelle un jour, y compris celles que les Incas ont été les premiers à hybrider.»

À lire également: Comment produire des tomates «bio» dans son jardin

S'il a lui-même créé six nouvelles tomates (‘Domaine de Saint-Jean-de-Beauregard', ‘Emalia'…), Pascal se définit plutôt comme un «éleveur», autrement dit l'homme de l'art qui fixe les caractères génétiques des toutes nouvelles lignées que d'autres ont obtenues par croisement. Des hybrideurs du monde entier, y compris d'organismes de recherche prestigieux, lui envoient ainsi leurs précieuses semences, affublées de noms de code mystérieux, qu'il cultive pendant cinq ans au minimum jusqu'à ce qu'elles soient génétiquement stabilisées. «Tout ce qui ne correspond pas au type recherché est soit jeté soit conservé pour faire une nouvelle lignée si on y trouve des caractères intéressants», explique-t-il. C'est ainsi que la variété ‘Pascal de Picardie', à la chair tendre et juteuse, créée par l'Américain Fred Hempel, porte aujourd'hui son nom. «L'unique graine qu'il m'avait confiée, issue d'un fruit qui en contenait soixante-cinq, a produit une tomate qui n'avait rien à voir avec ‘Crazy Horse', sa lignée d'origine. Il n'en croyait pas ses yeux!»

Les 21, 22 et 23 septembre, pour la deuxième année consécutive, cette vedette sera exposée avec des centaines d'autres sur le stand des Mousquetaires à la fête des plantes d'automne de Saint-Jean-de-Beauregard, au sud de Paris. L'occasion de venir découvrir, admirer et goûter toutes ces merveilles.

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